4 idées pour créer des territoires d’hiver invitants
Par Isabelle Marcoux, André Goulet et Nicolas Bergeron, Institut des territoires
Par Isabelle Marcoux, André Goulet et Nicolas Bergeron, Institut des territoires
L’hiver dans le sud du Québec, c’est trois mois par année, en théorie. La neige y recouvre le sol durant plusieurs semaines. La lumière, immense et diffuse sur la neige blanche, est perçante. Le paysage, les sports extérieurs, nos déplacements, plusieurs de nos rapports avec le territoire doivent être adaptés. Selon Louis-Edmond Hamelin, seulement 35% des Québécois acceptent convenablement l’hiver. Alors que « les Québécois du Nord ont un hiver plus long que celui des Québécois du sud, les premiers l’endurent paradoxalement mieux ». Pour plusieurs, l’hiver s’accompagne de l’hivernitude. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Nos espaces urbains sont-ils conçus pour influencer sainement notre relation avec l’hiver ? Peut-on dire que nos pratiques d’aménagement du territoire reflètent bien notre « nordicité » ?
Le mot nordicité est d’origine relativement récente (1965, L-E Hamelin). D’abord scientifique et depuis intégré dans la langue populaire, ce « mot-chantier » s’est décliné en de nombreuses formes permettant ainsi de poser un regard intellectualisé sur les sociétés dans leur adaptation au Nord. Ces néologismes (nordicité, hivernité, etc.) ont permis de repousser les limites de notre compréhension des rapports entre le froid, la cité et le citoyen, de conscientiser l’espace hivernal et notre identité nordique. L’hivernie mentale, par exemple, constitue ce que les gens pensent de l’hiver, cet hiver qu’ils construisent dans leur tête, comment ils se la représentent. Que sait-on de l’hivernie mentale des Laurentidiens ? La connaître permet d’agir sur l’hivernitude des citoyens, cet état de malaise associé à l’hiver. Le rapport au froid se constitue dans les altitudes, dans les latitudes, mais surtout dans les attitudes.
« Un paysage de Norvège : les maisons de bois à l’élégance sobre et un peu rude se fondent dans la nature comme des éléments qui lui appartiennent. C’est l’harmonie. Les gens qui habitent de telles maisons ne peuvent maudire leurs montagnes, leurs arbres et leur climat. […] Les maisons, les auberges et les églises des Alpes italiennes disent le bonheur d’appartenir à la montagne. Que disent nos bungalows californiens ? Que « malheureusement il va neiger. Pourtant, à parcourir le Chemin du Roy entre Québec et Montréal, parfois un flash vous vient. À Grondines, à Deschambault, à Neuville, des maisons de pierre ont traversé les siècles et vous jettent à la figure l’image d’un peuple adapté à son pays. Ces maisons-là, bâties comme des forteresses, appartiennent à ce pays d’hiver. »
Roch Ouimet (1994)
Dans nos villes, nos espèces arboricoles indigènes se voient trop souvent substituées par des cultivars panachés, fastigiés ou importés, parfois mal adaptés. L’accès aux mobiliers urbains est limité, voire confisqué, par le banc de neige immuable. Les abus de sels de déglaçage et d’abrasifs sur nos routes créent l’embrun qui assombrit la blancheur, amplifie la morosité et altère l’environnement. Le regard utilitariste porté sur le territoire doit l’emporter, au prix de notre nordicité pourtant identitaire. L’hiver devient pensé par l’été comme dit Hamelin. Notre nordicité se manifeste par l’adaptation, par une traduction, et non par une intention hivernale de départ. L’hivernitude est le passage obligé entre deux saisons désirées. Pourtant, mieux accepter l’hiver, c’est aussi mieux vivre la québécité.
Dès 1999, la Ville de Québec, hôte du Sommet mondial de la nordicité, se déclarait capitale mondiale de la nordicité. Plus récemment, en décembre 2016, la Ville d’Edmonton publiait ses Winter Design Guidelines. Elle y établit ses grands principes pour transformer la capitale albertaine en Great Winter City , par exemple en orientant des bâtiments de façon à maximiser l’exposition au soleil ou encore en créant des effets visuels avec des jeux de lumière.
L’Institut des territoires ajoute à cela quatre idées (présentées en haut de l’article) pour une meilleure rencontre entre la société et l’hiver.
Sources :
Chartier, D. et Désy, J. (2014). La nordicité du Québec – Entretiens avec Louis-Edmond Hamelin, PUL
Côté, R. (1994). Vive l’hiver libre! Dans Cinq intellectuels sur la place publique, sous la direction de Louis Cornellier. Ed. Liber
City of Edmonton (2016). Winter Design Guidelines. URL : https://www.edmonton.ca/city_government/documents/PDF/WinterCityDesignGuidelines_draft.pdf